10/04/2014

Lew Welch, un des types les plus formidables


Lew Welch est une figure singulière de la Beat Generation. On le connaît surtout sous les traits de Dave Wain, sous la plume de Jack Kerouac dans Big Sur. 

Lew Welch est né en 1926 dans l’Arizona mais sa famille s’installa en Californie trois ans plus tard. Son destin littéraire se tissa à Portland, Oregon, au Reed College, où il se lia avec Gary Snyder et Philip Whalen, qui deviendront deux poètes phares de la Renaissance de San Francisco, et qui étaient aussi très influencés par la pensée orientale et le bouddhisme. Welch ne connut jamais cette forme de sérénité et d’apaisement. Et il n’eut pas de chance. Lorsque le mouvement Beat se révéla au grand jour en 1955 lors de la fameuse lecture de la Six Gallery de San Francisco, il était à Chicago, essayant de se remettre d’une dépression nerveuse en travaillant pour la publicité, son vrai métier. 

Jack Kerouac a connu Lew Welch grâce à Philip Whalen. Il adorait son optimisme, sa liberté d’esprit, sa grande connaissance des « sujets américains ». Ensemble, ils pouvaient parler pendant des heures des chansons folk américaines, des bûcherons, du football, des champs de course et des filles… Kerouac n’oubliera jamais leur  merveilleuse traversée en Jeep de 1959 vers la Côte Est. 

Lew avait laissé tomber la publicité et acheté un taxi. Cela lui laissait pas mal de temps pour se consacrer à la poésie et vivre comme il l’entendait : picoler à son aise, rouler la nuit sous les étoiles, se reposer sous les arbres ou rester tranquille dans une cabane isolée… Lew a été « un des types les plus formidables » que Kerouac a rencontrés. Et il avait des moments de dépression « presque pires » que les siens. 

En 1971, il séjournait chez Gary Snyder dans les montagnes de Californie. Un jour, on a retrouvé une note désespérée, où il annonçait son intention de ses suicider. Et l’on n’a jamais retrouvé son corps.
B.S.

Gary Snyder, Philip Whalen et Lew Welch.



Lew Welch en compagnie d'Allen Ginsberg.


Au volant de mon taxi (d’après Anacréon) 

Quand je suis au volant de mon taxi
Je suis guidé par des coups de sifflets bizarres et je porte un chapeau 

Quand je suis au volant de mon taxi
Je suis le chasseur. Ma proie sort de sa cachette,
en faisant de grands gestes pour me séduire 

Quand je suis au volant de mon taxi
Tout le monde croit me commander mais c’est bien moi qui reste le maître du jeu 

Quand je suis au volant de mon taxi
Je suis guidé par des voix qui tombent du ciel 

Quand je suis au volant de mon taxi
Tout se met en mouvement. Voilà qu’ils se réveillent.
Voilà qu’ils veulent travailler et regarder partout. Voilà qu’ils veulent
de l’ivresse et de la bouffe. Et de l’amour. 

Quand je suis au volant de mon taxi
Je remets les retardataires à leur place dans la ville.

Quand je suis au volant de mon taxi
Je circule en maraude à la recherche d’un dernier client alors que la ville est plongée dans la nuit.



L’image, comme un hexagramme
L’image, comme un hexagramme :
L’ermite ferme sa porte à clé pour échapper au blizzard.
Sa cabane doit rester bien chaude. 

Pendant tout l’hiver il fait le tri dans son passé.
Ce qui était bien parti sera achevé.
Ce qui ne l’était pas devrait être balancé. 

Au printemps il réapparaît avec un vêtement
et un seul livre. 

La cabane est propre. 

A part ça, vous me ne croiriez jamais
que quelqu’un a vécu là-bas.



Chère Joanne
 Chère Joanne, 

La nuit dernière Magda a rêvé qu’elle,
toi, Jack et moi nous baladions
en Italie. 

Nous avons garé la voiture à Florence
et laissé notre chien pour la garder. 

Elle était inquiète
parce qu’il ne comprend pas l’italien. 

Résignation sans nom.

Pas encore 40 ans, ma barbe est déjà blanche

Pas encore 40 ans, ma barbe est déjà blanche.
Pas encore réveillé, mes yeux sont rouges et gonflés,
comme un enfant qui a trop pleuré. 

Quoi de plus détestable
que le vin de la nuit dernière ? 

Je vais me raser.
Je vais m’enfoncer la tête dans la fraîcheur du printemps
et jeter un coup d’œil alentour.
Peut-être que je vais ouvrir une boîte de pêches en conserve. 

Alors je pourrai finir le reste du vin,
écrire des poèmes jusqu’à ce que je sois encore saoul,
et lorsque la brise de l’après-midi soufflera 

Je m’endormirai jusqu’à ce que se lève la lune
et que j’aperçoive le cerf en train de grignoter
les arbres dans le noir 

et que j’entende
les ratons laveurs se disputer. 



(Traduit de l’américain par Bruno Sourdin)

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